Souvenirs de Louis TRAZIC, de BELVEZET :
«Pour tous les aînés, qui avons parcouru une grande part de ce XXème siècle à la fois grandiose et tourmenté, grandiose par l’ampleur du progrès social et scientifique, et tourmenté par deux guerres mondiales, les plus grands drames de toute l’histoire de l’humanité.
Après la guerre de 1914/1918, qui saigna à blanc la campagne française, comme en témoignent les monuments aux morts de nos villages et d’où sortirent meurtris vainqueurs et vaincus. L’économie allemande laminée par les rigueurs du traité de Versailles, il en résulta la faillite de l’Etat, et beaucoup de souffrances pour le peuple, qui furent le terreau fertile du nazisme, amenant Hitler au pouvoir en 1933. Dès lors, en violation de toutes les clauses du traité de Versailleset face à l’inertie coupable des dirigeants alliés, il réarma puissamment et rapidement l’armée allemande. Le 1er septembre 1939 sonna à nouveau le tocsin de la guerre qui fit deux jeunes victimes militaires dans notre commune. Après la déblacle sans précédent de l’armée française et à l’appel du 18 juin du général de Gaulle, certains français refusant la défaite entreprirent de créer dans la clandestinité les réseaux de la Résistance à l’occupant.Beaucoup de ces soldats de l’ombre, hommes et femmes, furent souvent victimes par délation du comportement infâme de certains français, et payèrent un lourd tribu à la patrie. Dès l’hiver 1943, la Résistance se renforcant par l’arrivée en nombre de réfractaires au STO en Allemagne. Les actions armées allèrent en se multipliant jusqu’à la libération, générant chez l’occupant la psychose (du maquis partout). Les massifs du Vercors et Mont-Mouchet furent des hauts lieux de la résistance française.
Le vendredi 7 juillet 1944, à 7 heures, tandis que la campagne sentait bon les premiers foins mouillés par l’orage, un commando FFT, venant paraît-il des groupes du Mont-Mouchet, attaqua un convoi allemand en gare de Belvezet. Dans les wagons et par surprise, les militaires subirent le feu nourri des assaillants postés aux abords de la gare, camouflés dans les champs de blés. De cette embuscade meurtrière, il en résulta un affreux carnage: 23 morts, des blessés, dont une jeune infirmière, et des prisonniers dont on ignore le nombre et le sort qui leur fut réservé par la suite. Cet acte de guerre si meurtrier nous fit craindre le pire, car bien des sites connurent de féroces représailles pour des actes bien moindres. L’abbé Valentin, curé de la paroisse, assuma avec héroïsme et courage un certain service de renseignements au profit de la Résistance; il échappa de justesse à son arrestation les derniers jours de l’occupation. Il s’impliqua fortement au service des réfugiés politiques ou autres, dont deux familles juives, leur procurant tous les faux papiers d’identité et cartes d’alimentation indispensables à leur vie clandestine, les camouflant au mieux aux yeux et aux oreilles de l’occupant. Ce fut l’abbé Valentin qui se rendit le premier sur les lieux du drame, accompagné de mère Clémence, gérante du petit restaurant de la gare, d’un cheminot et son épouse Mme Maury, l’adjoint au maire de l’époque, pour apporter un peu de secours aux blessés. D’après certains témoignages, suite à ces gestes humanitaires, l’infirmière gravement blessée, à son dernier souffle, aurait supplié la hiérarchie militaire d’épargner au village toute forme de répresailles. Si beaucoup virent la main de la Providence ce jour là, ils en furent peut-être bien les instruments de cette protection providentielle et depuis, la paroisse fit le voeu de célébrer chaque année la fête du Sacré-Coeur, avec plus de ferveur et solennité.
Au soir de cette triste journée, beaucoup se réfugièrent ailleurs, surtout les jeunes et les réfugiés, jusque dans les bois du Goulet, attendant dans l’angoisse la suite des évènements. De cet événement cauchemardeux, une grande question reste ecore aujourd’hui sans réponse: y-a-t’il eu de la part de l’occupant l’intention réelle de représailles? Si oui, est-il plausible que les gestes humanitaires forts de ces personnes, appuyés par l’émouvant supplique de l’infirmière agonisante, ait influencé la décision de l’autorité militaire?
Ce que je raconte, c’est du passé, mais c’est dans dans le passé que sont les racines du présent et du futur. Ne galvaudons pas cette précieuse liberté si chèrement acquise».
Merci à Louis TRAZIC pour ce précieux témoignage de l’histoire de BELVEZET.
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